L'alcool comme substitut au sang sacrificiel

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SoK
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L'alcool comme substitut au sang sacrificiel

Message par SoK »

Le sang de l'animal sacrifié lors d'un blot était recueilli dans un bol sacrificiel, on y trempait une branche avant de s'en servir pour asperger le sanctuaire, les idoles, et les participants.

Comme il est devenu très rare de sacrifier des animaux lors de rites contemporains, cela signifie qu'il n'y a le plus souvent pas de sang à recueillir. Les libations (offrandes de boissons alcoolisées) sont l'offrande la plus courante dans les rites contemporains : en effet, l'alcool joue un rôle important dans nos mythes et dans plusieurs types de rites (on peut lire "Etudes sur le Vocabulaire Religieux du Vieux-Scandinave. La libation" de Maurice Cahen, ou "Ceremonial Driking in the Viking Age". A noter qu'il existe dans la Vita sancti Columbani un témoignage d'un rite du peuple des Alamans, qui consistait à offrir un chaudron de bière à Wodan / Odin).

On peut donc recueillir les libations dans le bol sacrificiel, et s'en servir comme substitut au sang pour l'aspersion. Ce type de substitution a aussi été pratiqué par des Romains païens avant la christianisation (comme en témoignent Festus Grammaticus dans De significatione verborum, livre XVIII, ainsi que Maurus Servius Honoratus dans ses Commentaires sur l’Enéide de Virgile, II, 116), et l'est actuellement par les Hindous qui cherchent à maintenir d'anciens rites sacrificiels de l'époque védique en les adaptant à l'éthique végétarienne qui est ultra-dominante dans l'hindouïsme contemporain.

Attention, les boissons alcoolisées sont sucrées, donc elles collent en séchant (et le vin rouge fait des taches très, très tenaces sur les vêtements, c'est d'ailleurs pour ça qu'il n'est généralement pas utilisé par les chrétiens comme vin de messe). Pour éviter cela, on peut verser une petite quantité du contenu du bol sacrificiel dans un récipient d'eau, qui servira ensuite à l'aspersion (les sucres et la couleur seront fortement dilués et ne poseront pas de problème).

La substitution rituelle du sang par de l'alcool est facilitée par le fait que l'alcool vient, mythiquement, de l'hydromel de poésie brassé à partir du sang de Kvasir. On trouve aussi de nombreux kenningar (métaphores poétiques) qui servent à désigner le sang et qui impliquent une boisson alcoolisée (vin, mais aussi bière et hydromel) :

* ulfvíns (vin du loup),
* hrafnvíns (vin du corbeau),
* vín vitnis (vin du loup sauvage),
* bjór hróka (bière des corbeaux freux),
* öl gagla ógnar (bière forte de la jeune oie de la terreur = bière forte de l'aigle),
* mjǫð ylgjar (hydromel de la louve),
* gunnsylgs (boisson du combat),
* afar stóran valbjór (très abondante bière des tués),
* ǫlðra Gera (bières fortes de Geri [un des loups d'Odin]).
Gottfried Karlssohn, vice-président et responsable régional pour la France (hors-Alsace).

Mes articles sur les traditions germano-scandinaves sont sur Un Tiers Chemin.
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