Les représentations divines et leurs rôles rituels

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SoK
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Les représentations divines et leurs rôles rituels

Message par SoK »

J'ouvre ce fil de discussion pour désengorger celui sur la possibilité éventuelle d'utiliser certaines strophes du Hávamál (en particulier les strophes 1 à 4) comme des indications rituelles.

Ce premier message sera une petite compilation de références à l'usage rituel de représentations divines dans les sources écrites, je le mettrai à jour au fur et à mesure.

* Saxo Grammaticus nous dit que Odin "statuam in crepidine collocavit, quam etiam mira artis industria ad humanos tactus vocalem reddidit" (Gesta Danorum, livre I, chapitre 7, phrase 5), ce qui signifie qu'il "a installé sur un piédestal la statue [faite à son image], qui, à cause de l'étonnante action de son stratagème, répondait par la voix au contact des hommes". En gros, que Odin, grâce à ses pouvoirs, pouvait répondre à ceux qui l'honoraient par l'intermédiaire de sa statue, qui avait été préalablement ornée avec des anneaux d'or. Le fait de nommer un piédestal est une bonne garantie de fiabilité, car le terme de stalli ou stallr (piédestal) est souvent utilisé en vieux norrois pour désigner une sorte d'autel sur lequel sont placées des représentations des dieux, dans un contexte rituel (Eyrbyggja saga, chap.4 ; Heimskringla, Óláfs saga Tryggvasonar, chap. 69 ; Sveins þáttr ok Finns, chap. 3). Le vieil anglais a aussi le terme de wēohsteal ("piédestal du sanctuaire") qui désigne la partie d'une église qui contient l'autel chrétien, terme également attesté en vieux norrois sous la forme de véstallr (Ynglingatal), ce qui nous permet de reconstruire une origine proto-germanique *wīhastallaz bien antérieure à toute influence chrétienne.

* Dans la Friðþjofs Saga ins frækna (chap. 8), des femmes s'assoient près d'un feu et "cuisent des dieux", avant de les "enduire" et de les "essuyer avec un linge" : Eldr var á gólfinu, ok sátu konur þeirra við eldinn ok bökuðu goðin, en sumar smurðu ok þerðu með dúkum. Ces dieux "cuits" peuvent être soit des représentations en argile (leirblót), soit des effigies en pâte (matblót), telles qu'interdites dans les Eiðsifaþingslǫg (lois norvégiennes du district d'Eiðsifa en Norvège, mises par écrit en 1268). L'Indiculus superstitionum et paganiarum, catalogue de pratiques païennes interdites mais encore pratiquées sous Charlemagne chez des Germains du continent et des Gallo-romains, interdit, dans les points 26 à 28, les effigies (simulacro) "faites de farine répandue", "faites de tissu", "promenées à travers la campagne".

* Dans le Þorleifs þáttr jarlaskálds (chap. 7) : hann taka einn rekabút og gera úr trémann og með fjölkynngi og atkvæðum jarls en tröllskap og fítonsanda þeirra systra lét hann drepa einn mann og taka úr hjartað og láta í þenna trémann og færðu síðan í föt og gáfu nafn og kölluðu Þorgarð og mögnuðu hann með svo miklum fjandans krafti að hann gekk og mælti við menn, komu honum síðan í skip og sendu hann út til Íslands þess erindis að drepa Þorleif jarlaskáld. Le roi païen Hákon crée un homme-arbre (trémaðr) par l'usage d'un coeur humain issu d'un sacrifice et par sa "grande connaissance et des formules" (með fjölkynngi ok atkvæðum, n'oublions pas que le roi est toujours le prêtre suprême), en donnant des vêtements et un nom à du bois flotté (ce qui évoque fortement la création des premiers humains, Askr et Embla, par Odin, à partir de bois). L'homme-arbre marche et parle aux humains, et va accomplir la mission précise qui lui avait été confiée : tuer Þorleifr jarlaskáld qui avait insulté Hákon. Cette scène où on donne des vêtements à un homme-arbre pour lui donner vie est aussi présente explicitement dans la strophe 49 du Hávamál (souvent mal interprétée par des chercheurs qui ignorent l'existence de cette scène du Þorleifs þáttr jarlaskálds), où Odin donne des vêtements à des hommes-arbres pour qu'ils se sentent humains : "Mes vêtements j'ai donné dans un champ / A deux hommes-arbres : / Ils se considérèrent comme des hommes quand ils eurent leur habit, / Mais l'homme nu est humilié."
Gottfried Karlssohn, vice-président et responsable régional pour la France (hors-Alsace).

Mes articles sur les traditions germano-scandinaves sont sur Un Tiers Chemin.
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