Un charme païen anglo-saxon
Publié : 03 juin 2022 21:36
Le Balds Lǣċebōc (Bald's Leechbook en anglais moderne, Medicinale Anglicum en latin) est un lǣċebōc (livre de médecine) écrit sans doute au Xe siècle en Angleterre. Christianisés depuis quelques siècles, les Anglo-saxons avaient gardé de nombreuses traditions païennes germano-scandinaves.
Le guérisseur du nom de Bald nous a laissé de nombreux exemples de charmes guérisseurs issus de ces traditions anciennes, généralement en se contentant de remplacer les références aux dieux par des références chrétiennes. Les universitaires se sont jusqu'ici surtout concentrés sur l'aspect médicinal du livre, par rapport aux plantes utilisées. Un autre aspect tout aussi intéressant est qu'il est assez facile de faire le processus inverse et de remplacer les références chrétiennes par des invocations aux dieux.
Dans le cas du charme n°LXIII ("Gif mon biþ on wæter ælf adle", c'est-à-dire "si quelqu'un a une maladie causée par un elfe des eaux"), l'invocation se fait à Eorthe, c'est-à-dire à la déesse Terre (Jörð en vieux norrois), ce qui a permis à Bald de ne rien changer, en faisant passer cet appel à la terre comme quelque chose de naturel et non de religieux.
Je passe ici les détails de la procédure médicale, mais elle se finit par cette incantion (galdor, c'est-à-dire galdr en vieux norrois, soit le terme utilisé pour les formules magiques et incantations runiques) : "Eorþe þe on bere eallum hire mihtum and mægenum". Cela se traduit par : "que Eorthe continue de te porter avec toute sa puissance et sa force". Cette expression est particulièrement intéressante, parce qu'elle se retrouve dans des textes païens scandinaves. Mihtum and mægenum correspond exactement à l'expression máttr ok megin, qui désigne la capacité d'une personne à prendre ses décisions et à les accomplir. De plus, Jarðar megin, "la puissance de la Terre", est aussi une expression qu'on trouve dans le Hávamál (137, dans un contexte de protection contre les effets néfastes de la bière, et/ou de la magie, selon la manière dont on interprète le terme öl) et dans le Hyndluljóð (Völuspá in skamma).
Le guérisseur du nom de Bald nous a laissé de nombreux exemples de charmes guérisseurs issus de ces traditions anciennes, généralement en se contentant de remplacer les références aux dieux par des références chrétiennes. Les universitaires se sont jusqu'ici surtout concentrés sur l'aspect médicinal du livre, par rapport aux plantes utilisées. Un autre aspect tout aussi intéressant est qu'il est assez facile de faire le processus inverse et de remplacer les références chrétiennes par des invocations aux dieux.
Dans le cas du charme n°LXIII ("Gif mon biþ on wæter ælf adle", c'est-à-dire "si quelqu'un a une maladie causée par un elfe des eaux"), l'invocation se fait à Eorthe, c'est-à-dire à la déesse Terre (Jörð en vieux norrois), ce qui a permis à Bald de ne rien changer, en faisant passer cet appel à la terre comme quelque chose de naturel et non de religieux.
Je passe ici les détails de la procédure médicale, mais elle se finit par cette incantion (galdor, c'est-à-dire galdr en vieux norrois, soit le terme utilisé pour les formules magiques et incantations runiques) : "Eorþe þe on bere eallum hire mihtum and mægenum". Cela se traduit par : "que Eorthe continue de te porter avec toute sa puissance et sa force". Cette expression est particulièrement intéressante, parce qu'elle se retrouve dans des textes païens scandinaves. Mihtum and mægenum correspond exactement à l'expression máttr ok megin, qui désigne la capacité d'une personne à prendre ses décisions et à les accomplir. De plus, Jarðar megin, "la puissance de la Terre", est aussi une expression qu'on trouve dans le Hávamál (137, dans un contexte de protection contre les effets néfastes de la bière, et/ou de la magie, selon la manière dont on interprète le terme öl) et dans le Hyndluljóð (Völuspá in skamma).