Le Christ, un dieu comme les autres

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SoK
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Le Christ, un dieu comme les autres

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Helgi var blandinn mjǫk í trú; hann trúði á Krist, en hét á Þór til sjófara ok harðræða. Þá er Helgi sá Ísland, gekk hann til frétta við Þór, hvar land skyldi taka (Landnámabók, chap. 66, ou "3, 12" selon les notations)
Helgi était "très mélangé dans la foi"; il croyait au Christ, mais invoquait Thor pour les voyages en mer et les difficultés. Quand Helgi arriva en Islande, il demanda à Thor un oracle : quelle terre devait-il prendre ?

In eodem fano et altare haberet ad sacrificium Christi et arulam ad victimas daemoniorum (Bède le Vénérable, Historia Ecclesiastica Gentis Anglorum, II, 15, à propos du roi anglais Redwald)
Dans le même sanctuaire, il avait un autel pour honorer le Christ et un petit autel pour sacrifier aux démons (= aux dieux germaniques des Angles)

Contigit autem altercationem super cultura deorum fieri in quodam convivio rege praesente, Danis affirmantibus Christum quidem esse deum, sed alios eo fore majores deos, quippe qui potiora mortalibus signa et prodigia per se ostenderent. (Widukind de Corvey, Histoire de Saxe, III, 65)
Or, il arriva qu'une dispute sur le culte des dieux eut lieu lors d'un certain banquet en présence du roi, les Danois affirmant que le Christ était bien un dieu, mais que d'autres dieux étaient plus grands, puisqu'ils montraient aux mortels davantage de prodiges et de signes d'eux-mêmes.
Gottfried Karlssohn, vice-président et responsable régional pour la France (hors-Alsace).

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Re: Le Christ, un dieu comme les autres

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Un petit ajout :

Nec prohibuit Penda rex, quin etiam in sua, hoc est Merciorum, natione uerbum, siqui uellent audire, praedicaretur. Quin potius odio habebat, et dispiciebat eos, quos fide Christi inbutos opera fidei non habere deprehendit, dicens contemnendos esse eos et miseros, qui Deo suo, in quem crederent, oboedire contemnerent. (Bède le Vénérable, Historia Ecclesiastica Gentis Anglorum, III, 21, à propos du roi Angle de Mercie, Penda Pybbasson, un des derniers grands rois païens anglais... qui était réputé être un descendant de 11ème génération de Woden/Odin lui-même).

"Le roi Penda n'a pas non plus empêché la parole [chrétienne] d'être prêchée même dans sa propre nation, c'est-à-dire les Merciens, s'ils étaient disposés à l'entendre. Au contraire, il haïssait et méprisait ceux, imbus de la foi du Christ, qu'il trouvait sans œuvres de foi, disant qu'ils devaient être méprisés et misérables, ceux qui méprisaient d'obéir au dieu en lequel ils croyaient."
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Dans un registre un peu plus conflictuel, quand le missionnaire Thangbranðr vient prêcher le christianisme en Islande vers l'an 997 (spoiler : ça se passe mal), son bâteau s'échoue suite à une tempête. Steinunn Refsdóttir, une des rares poétesses scandinaves que nous connaissions, lui dit, en vers, que Thor a défié le Christ en duel, mais que celui-ci n'a pas eu le courage de venir.

(Ces deux vers sont cités dans les trois sagas suivantes :

Kristni saga, 9
Óláfs saga Tryggvasonar en mesta, 216
Brennu-Njáls saga, 102)
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Kjartan dans la Laxdæla saga, ch. 40 a écrit :"Og það ætla eg mér að taka því aðeins við trú í Noregi að eg meti lítils Þór hinn næsta vetur er eg kem til Íslands."
"Et je vais prêter cette allégeance [au dieu chrétien] en Norvège seulement si j'honore un peu Thor l'hiver prochain quand j'irai en Islande".

Kjartan est un païen convaincu, venu à la cour du roi de Norvège (Olaf Tryggvason) pour le tuer parce qu'il empêche les Islandais de commercer avec la Norvège tant que l'Islande n'aura pas accepté le christianisme comme religion officielle. Mais il n'a rien contre le fait de se faire baptiser et d'honorer le dieu chrétien quand il passe l'été en Norvège, où le christianisme vient d'être établi comme religion officielle, tant qu'il peut continuer d'honorer ses dieux l'hiver quand il est chez lui.
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Re: Le Christ, un dieu comme les autres

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Dans la Heimskringla, la gigantesque histoire des rois de Norvège rédigée par Snorri Sturluson, le roi norvégien chrétien Ólafr Tryggvason essaye d'imposer le christianisme en Norvège. Sigríð, la veuve du précédent roi de Suède (elle était peut-être d'origine polonaise, mais les sources sont peu claires et parfois contradictoires), a hérité du rôle de reine et est une des personnes les plus puissantes de Scandinavie. Ólaf lui propose de l'épouser, à condition qu'elle se fasse baptiser et "adopte la vraie foi".
Snorri Sturluson, Heimskringla, Ólafs saga Tryggvasonar a écrit :Hon sagði svá: "Ekki mun ek ganga af trú þeirri, er ek hefi fyrr haft, ok frændr mínir fyrir mér; mun ek ok ekki at því telja, þótt þú trúir á þann guð, er þér líkar."
Þá varð Ólafr konungr reiðr mjök ok mælti bráðliga: "Hví mun ek vilja eiga þik, hundheiðna?" Ok laust í andlit henni með glófa sínum, er hann hélt á. Stóð hann upp síðan, ok bæði þau.
Þá mælti Sigríðr: "Þetta mætti verða vel þinn bani."
Elle dit alors : "je n'abandonnerai pas cette allégeance que j'ai tenue jusqu'ici, et ma famille avant moi ; mais cela ne m'importe pas que tu sois fidèle à ce dieu, celui que tu apprécies."
Le roi Ólaf devint alors très en colère et dit promptement : "pourquoi voudrais-je t'avoir pour épouse, chienne de païenne ?" Et il la frappa au visage avec le gant qu'il tenait. Après quoi il se leva, et elle aussi.
Sigríð dit alors : "cela pourrait bien être votre perte."


Ólaf Tryggvason sera en effet tué lors d'une bataille contre une coalition de Norvégiens païens, de Suédois, et même de Danois avec lesquels il avait réussi à se fâcher (le Danemark est déjà chrétien à l'époque, depuis peu, mais il avait promis au roi du Danemark de reconnaître son autorité sur la Norvège et de ne régner que comme vassal, avant de changer d'avis).

La morale de l'histoire, c'est que Sigríð tient à son allégeance "aux dieux de sa famille avant elle" (importance de la tradition familiale), mais qu'elle n'a rien contre les mariages inter-religieux. Cela ne nécessite pas de "conversion" du partenaire, qui peut continuer à pratiquer sa religion, y compris chrétienne.
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