A propos de la méthode reconstructionniste

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Mervis
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Re: A propos de la méthode reconstructionniste

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Mervis a écrit :Je me disais qu'une pratique sans âme n'était qu'un "aboli bibelot d'inanité sonore" pour ainsi dire (Mallarmé).
SoK a écrit :Ca doit faire 14 ans que j'entends parler de "pratiques sans âme", et la seule constante c'est que les pratiques sans âme sont toujours celles des autres (l'autre, parfois, est le soi d'hier, mais après tout "je est un autre"). D'ailleurs à une époque j'aimais bien troller certaines personnes en leur demandant de me prouver qu'elles avaient une âme (ce qui est, évidemment, impossible).
Mervis a écrit :Je vise une certaine manière de vouloir se harter de technicité/mise en pratique, comme on se rassure en serrant fort un doudou. Certains, à ce que j'ai pu observer, craignent... à quoi bon ?
La première chose, même si évidemment elle est indémontrable, est d'y avoir du cœur (étymologie de croire). Je suis convaincu que les Dieux nous pardonnent le reste, du moment que l'on reste dans la bénévolence, certes. Car ils font aussi avec ce qu'ils ont.
C'est déjà grande chose, qu'ils nous aient - du moment que l'on reste dans la bénévolence.
À quoi bon aussi, accumuler mille connaissances, si c'est pour s'en tenir à une vision universitaire ? La qualité prime sur la quantité, y compris dans ce domaine.
Évidemment l'idéal, c'est la totale, et les moyens idoines pour une reconstruction optimale. Car sans coréligionnaire ou vé bien bâti digne de ce nom, tout cela tombe encore à l'eau.
D'où que la bénévolence reconstructionniste a déjà quelque chose.
Il faut se détendre et cesser de craindre, car je doute que ce soit l'état d'esprit souhaitable devant les Dieux.
Car enfin, est-ce que chaque Ancien avait la totale ? Il y a toujours eu des personnes plus préposées et disposées à la fonction sacerdotale. LEY a-t-elle vocation à faire de nous tous des sacerdotes ?
SoK a écrit :Il me semble que tout le monde sera d'accord sur l'inutilité d'une connaissance sans pratique (en tout cas je le suis). Ceci dit, quand tu parles de ne pas craindre, et de croire, tu opères un renversement très moderne par rapport à l'attitude religieuse des anciens. On trouve, parfois, ici ou là, des individus qui défient plus ou moins les dieux (généralement ça se finit mal), et d'autres qui mettent plus ou moins en avant une notion de relation personnelle avec une divinité (mais ils sont peu nombreux, ce sont toujours des gens "hors du commun" dont le statut à part les sort de la masse des humains, et aucun n'en profite pour ne pas respecter les traditions) ; mais la règle générale reste bien de respecter scrupuleusement les traditions par crainte que les dieux n'accordent plus les bénédictions qu'ils ont accordées aux ancêtres, ou qu'ils se vengent.
Je dis ça tout en étant plutôt d'avis que les dieux ont tendance à être cléments vis-à-vis des personnes qui aujourd'hui essayent, quand bien même c'est imparfait, de suivre les anciennes traditions. Mais, bon, c'est juste mon avis (et, un avis humain étant peu de choses, on peut bien être deux, trois, dix, cent ou mille à le penser, je ne suis pas certain que ce soit une base solide).
Comme tu le dis, les anciens n'étaient pas tous des sacerdotes, et sauf erreur de ma part personne ici ne pense que tous les adhérents doivent en devenir. Mais, à l'époque, chaque maître de maison et chaque maîtresse de maison étaient bien les "prêtres" de leurs rites domestiques, et je ne pense pas que le maître ou la maîtresse de maison pris au hasard en savaient moins que les plus savants d'entre nous dans l'asso. On a peut-être quelques fragments qu'ils ignoraient, par exemple concernant des pratiques antiques ou lointaines, parce que nous avons besoin de l'archéologie et du comparatisme indo-européen pour essayer de deviner ce que nous ignorons, alors qu'eux n'en avaient nul besoin, puisqu'ils en savaient plus que nous.
Mervis a écrit :En vérité, je cherche encore la contradiction dans ton propos. Mais j'aimerais bien qu'on me dise où est-ce qu'on m'a vu dire que seul le cœur comptait, à la manière de la foi, de la ferveur modernes et post|monothéistes. Je crois donc qu'on a là loupé... le cœur de mon propos...
En fait, je ne dirai pas que les Anciens savaient plus que nous, mais qu'ils vivaient l'anthropologie culturelle et historique idoine. Chaque personne gardait une perspective partielle, et les connaisseurs - volva, erilaz, gandrmadr, etc. - comme dans la Grèce ancienne avaient quelques variantes (par exemple généalogiques ou encore tutélaires) sur la base de troncs ou de branches communes relativement partagées. Tyr n'est pas ou peu vénéré où est vénéré Ullr, et réciproquement - pour reprendre cet exemple utilisé sous le forum.
Et de nos jours et bien, l'anthropologie culturelle et historique a muté, et le reconstructionnisme redéploie une surface lisse et peu ou prou unifiée à partir de bribes, qui par essence est autre chose, quoi que nourrie au bon lait des sources.
La lunette scientifique se veut la plus polie possible. Elle reste une lunette. Et en dehors d'elle c'est la fantaisie. Qui n'est pas (toujours) un gros mot. Comme si ces deux éléments ne dialectisaient pas dans la pratique. Finalement c'est, comme toujours, une affaire de caractères. Il y en avait plusieurs anciennement aussi.
La question est aussi de savoir si nous faisons du reenactoring dans nos genres. Pour le dire vite, au théâtre on oppose deux styles : l'actor's studio et le paradoxe du comédien de Denis Diderot.
  • L'actor's studio y va à fond, quitte à s'ouvrir les veines pour ainsi dire, il travaille avec sa calice de tripes.
  • Le paradoxe du comédien énonce qu'il ne faut pas impliquer ses émotions mais uniquement les feindre (rationalisme/empirisme des Lumières).
Nourri au bon lait des sources, versé dans l'orthopraxie, on pourrait croire que c'est Diderot qui domine, sauf qu'il y a une passion pour le reenactoring pratique.
Inversement, on pourrait critiquer la fantaisie d'actor's studio "qui s'y croit trop" comme de comédie purement feinte, de farce pseudo-religieuse.
Mais il est évident que, en termes émotionnels, la dimension actor's studio fantaisiste est sujette à l'anthropologie culturelle et historique actuelle, donc aux émotions post|monothéistes de protestantisme américanisant.
Inversement, même le paradoxe du comédien du reenactoring sourcé, n'est jamais sûr de son émotivité ancienne. Il peut s'en passer, mais rien n'indique que les Anciens s'en passaient, au contraire. Et leur rejeu peut être une farce, aussi.
De toutes façons pour le positivisme tout est une farce...
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Mervis
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SoK a écrit :Je dirais que c'est caractéristique de [la démarche de certains reconstructionnistes]. Globalement l'Asatru moderne manque de connaissance des sources primaires, donc faire des compilations de sources primaires et les diffuser participe forcément à élever le niveau. Mais une fois qu'on a compilé ce qu'il y avait à compiler, si on a une démarche qui se limite à compiler des sources primaires avec zéro intégration dans ce qui est censé être une religion (genre une vraie religion vivante, le genre de trucs qu'étudient les spécialistes en histoire des religions et en anthropologie religieuse), bah ça bloque et on se retrouve à être l'équivalent d'un fondamentaliste protestant ou d'un salafiste, avec un corpus de sources moins fiable et dix ou vingt fois plus petit. Sans parler du fait que c'est ironiquement une démarche qui n'a rien à voir avec la religion germano-scandinave préchrétienne à laquelle il essaye si fort de coller.
Nebelkind a écrit :C'est mon ressenti aussi...Il compile. Cela fait penser à un squelette: c'est cool, il y a plein de sources, etc...Mais çà manque de muscles, de peau, etc...Il reste sur ses acquis, mais c'est comme sil n'y avait pas de "mise en pratique": tu as hérité d'une superbe maison ancienne, mais tu ne l'habites pas, tu ne la fais pas vivre. Par exemple Sass ne veut pas entendre parler de folklore (et d'éventuelles réminiscences préchrétiennes qui pourraient s'y cacher) - pour lui, la christianisation a absolument tout effacé. C'est vrai que beaucoup de choses ont disparu, hein, mais çà vaut peut-être la peine d'analyser tout çà en détails, histoire de ne pas passer à côté de quelque chose de significatif (je pense notamment au folklore germanique [Allemagne, Alsace, "Alpes germaniques", etc...], et les divers créatures et personnages qu'il présente), au culte des eaux, pierres, etc.. ; ou bien encore à la croyance dans les Elfes en Islande moderne...
Mervis a écrit :Je dirais même plus : nous adhérons à des renewals. Tout est dans le terme. D'un point de vue positiviste, les religions sont vides. Elles n'ont en fait pas besoin de grand'chose pour fonctionner. Le vide chinois se suffit... même si la tradition et la culture autour a sa richesse. L'Univers mental des... Quelqu'un qui aujourd'hui est au stade de la série Vikings à se tatouer en voulant vaincre et savoir, est peut-être plus honorable aux yeux d'Odin qu'un univeristaire. Il est bon d'être érudit, mais Odin n'est pas un érudit, quoi que connaisseur. C'est toute la nuance entre la knowledge involvment et la scolarship - qu'est-ce qu'on en a à faire de la scolarship ? Elle n'a pas la volonté - je ne dis même pas la foi, et pas que pour seoir à une orientation orthopraxique préférencielle. Ce que je veux dire, c'est qu'on renoue avec ce qu'on a, pas avec ce qu'on a pas.

De toutes façons si l'on veut honorer nos ancêtres et s'inscrire dans une continuité logique, de même qu'un certain christianisme avait continué le paganisme, il n'y a pas le choix, quoi qu'il y ait eu subversion du paganisme et que notre but ne soit pas en soi de subvertir le christianisme. Ou bien ce qui en donnerait l'impression serait du même tonneau que la sincérité des premiers chrétiens, eut égard au paganisme. Il me semble, en tout cas. Bref, c'était bien ce que je voulais dire : ce que nous faisons, eh bien, c'est une évidence existentiale (note aux heideggeriens...), nous le faisons là. Récemment, j'ai bien aimé un jeu de mot latin pour rendre le Dasein : eccéité|haeccéité > hic(et nunc)céité=hiccéité.
Mervis a écrit :Enfin, peut-être gagne-t-on néanmoins, à rester conscient du piège spirituel/chantage affectif monothéiste quand même : la seule chose qui rende cohérent le mythe monothéiste, c'est que le Dieu exclusif désirait que les choses se passent ainsi jusqu'au Mal, puisqu'il avait une visibilité sur le temps dans l'éternité. C'est-à-dire que même si nous sommes libres, singulièrement, il voit tout arriver. Et donc, en créant le monde selon son mythe, il accepta le jeu des libertés qui s'y déploierait. Cela en dit long sur son espièglerie, et pour tout dire : sa malignité. Ou bien c'est un enfant, mais alors Héraclite a raison - "Le temps est un enfant qui joue au tric trac." - et le mythe monothéiste devient obsolète. Sans compter que nous sommes libres de ne pas l'aimer, mais qu'on est alors puni à l'enfer éternel... Et puis, ce n'est pas comme s'il avait continué de tolérer le paganisme jusqu'à nous... J'ajouterai qu'il est par trop aisé de capitaliser sur l'amour, la justice et la souffrance du monde (ou leurs manques). Pour ainsi dire, ce sont les trois choses qui font la vie d'un enfant, c'est un peu infantile donc que le monothéisme.

Cela dit, je le vois au sanctuaire de Lourdes, la religion donne un peu de réflexion au monde quand même dans son genre quand elle est apaisée. On appelle ça le recueillement. Le sens du respect qu'elle inspire, bien qu'il se perde doucement même ici, n'est pas négligeable.

Enfin que vous le vouliez ou non, magiquement/mystiquement, à mobiliser des éléments chrétiens, de manière aussi païenne que vous voulez, vous mobilisez les valeurs monothéistes : elles sont activées même lointainement, en écho. Les éléments d'une culture, monothéiste ou autre, ne sont pas des vêtements que l'on peut mettre à sa guise, avec les intentions qu'on veut, puisqu'en retour ça nous travaille. Ce n'est pas un jeu esthétique, ce serait une dérision de penser le contraire. Les sources auxquelles ça puise ne sont pas pour les chiens.

D'ailleurs c'est bien pour cela que nombre de protestantismes veulent en finir avec le catholicisme, et c'est une véritable guerre idéologique et secrète selon l'endroit du monde où vous êtes. D'aucuns se satisfont même qu'un certain islam prenne sur nous. Il y a bien sûr d'autres raisons, mais l'orthodoxie est aussi dans le viseur, et d'ailleurs le christianisme breton, lui qui se revendique de Joseph d'Arimathie ayant porté le Graal dans les îles au niveau légendaire, a déjà pas mal été circonscrit, les Bretons en savent historiquement quelque chose. Ce ne sont décidément pas des jeux. La pratique du génocide par exemple, n'en est que l'aspect le plus radical sur terre, quand on veut se débarrasser d'un petit monde. Le meurtre général si vous voulez, l'assassinat, c'est la base. Je ne généralise pas à tous les croyants. Je dis juste qu'une chose en entraîne une autre, selon les personnes et les moyens.

Dans la mesure où le christianisme ne veut pas que l'on se venge, que l'on tende l'autre joue, et qu'on attende la fin des temps pour que le jugement dernier ait lieu, en effet, les chrétiens ordinaires sont frustrés de soulagement dans la vengeance pourtant honorable dans nos cultures païennes, et du coup ils escomptent bien que leurs ennemis soient punis d'une manière ou d'une autre en cette vie par « le bon Dieu ». Couramment, la notion de karma a pris ce sens de rétribution. C'est lié à du ressentiment, à savoir des dissentiments rentrés. Alors, elle n'est pas belle la charité ?

Cela étant dit, la bonne nouvelle, c'est que même une culture disparue du moment qu'on la retrouve plus ou moins, réinsuffle des éléments de sa source. Mais je ne vois pas comment on peut faire fi de l'intolérance des cultures monothéistes suite à la tolérance des cultures polythéistes, ceci dit sans ingérence. Bref, pragmatiquement, ça s'appelle les influences culturelles, avec leurs mœurs, et pour moi il est important de savoir ce qu'on fait sur ce plan. Certes difficile de faire sans monothéisme aujourd'hui.
Je conseille alors ça...
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